Sen24.info – (Dakar) Le ministère de la juste a commenté la décision de justice condamnant M. Ousmane SONKO et Mme Ndèye Khady NDIAYE. Dans une note rendue publique, le ministère de justice est revenu sur les éléments « qui ont dû emporter la conviction du juge et justifier la disqualification des faits de viol en corruption de la jeunesse. » voici in extenso la note du ministère de la justice.
Par jugement n°67 du 1er juin 2023, la Chambre criminelle du Tribunal de Grande Instance hors classe de Dakar, statuant en audience spéciale sur les faits de viol et de menaces de mort, reprochés à Ousmane SONKO, et ceux de complicité de viol, incitation à la débauche et diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs, dirigés contre Ndèye Khady NDIAYE, a acquitté Ousmane SONKO des menaces de mort, et disqualifié le viol initialement retenu contre ce dernier en corruption de la jeunesse. Elle a acquitté Ndèye Khady NDIAYE de la complicité de viol et de la diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs, et l’a déclarée coupable d’incitation à la débauche. Les deux accusés ont été condamnés, chacun, à 02 ans d’emprisonnement et à 600 000 francs d’amende, et à verser, ensemble, 20 000 000 de francs à Adji Raby SARR.
L’analyse de la décision, dont l’exécution devrait suivre, permet de retenir les éléments ci-après, qui ont dû valablement emporter la conviction du juge, et justifier la disqualification des faits de viol en corruption de la jeunesse :
➢ Les éléments qui ont dû emporter la conviction du juge
Le salon « SWEET BEAUTE » est un lieu de dépravation des mœurs, régulièrement fréquenté par Ousmane SONKO, qui a eu plusieurs contacts et des moments d’intimité avec Adji Raby SARR, dont le comportement, le 02 février 2021, décrit par les témoins et associé aux examens médicaux, conforte l’existence de rapports sexuels entre elle et Ousmane SONKO.
- La fréquentation d’un salon de dépravation des mœurs.
Les masseuses reconnaissent n’avoir reçu aucune formation en massage thérapeutique et Ndeye Khady NDIAYE n’a jamais pu clarifier le type de massage qui était pratiqué dans son salon, mais informe avoir une fois trouvé Adji SARR à califourchon sur un client ; ce qui ne fait que conforter les déclarations de cette dernière et celle de la dame Seynabou NGOM quant aux pratiques obscènes qui se déroulaient dans le salon. Le gendarme enquêteur Seydina Oumar TOURE confirme que cet endroit ressemblait à un lieu de débauche. Il y avait constaté de la lumière rouge tamisée qui décorait les cabines ainsi que la présence de jacuzzi. Les services se terminaient par fellation ou masturbation afin de faire jouir le client, jusqu’à l’éjaculation, d’où les expressions « massage body-body », « massage royal », « jacuzzi accompagné », « nuru massage », « massage sensuel » et « savonnage ».
Ousmane SONKO fréquentait « SWEET BEAUTE », il y avait plus d’un an, à la date du 02 février 2021, selon la dame Ndeye Khady NDIAYE, et faisait partie des clients réguliers de cette dernière. Le mari de Ndeye Khady NDIAYE, Ibrahima COULIBALY, renchérit qu’il faisait partie des fidèles clients.
- Les contacts habituels et intimes avec Adji Raby SARR…
Adji Raby SARR s’occupait de Ousmane SONKO depuis son arrivée au salon « SWEET BEAUTE », selon la dame Ndeye Khady NDIAYE. Le 02 février 2021, alors que la séance était terminée, Ousmane SONKO est resté seul dans la cabine avec Adji Raby SARR qui explique d’ailleurs que ce dernier ne tolérait plus de la voir s’occuper d’autres clients, et a une fois préféré rentrer, sans se faire masser, parce qu’il l’avait trouvée occupée. Ce qui atteste de ce que M. SONKO n’était pas intéressé par les supposés massages mais plutôt par la fille Adji Raby SARR, qu’il avait fini de transformer en objet sexuel, malgré leur différence d’âge, et la jeunesse de celle-ci.
- L’existence de rapports sexuels avec Adji Raby SARR
Le 02 février 2021, juste après le départ de Ousmane SONKO du Salon « SWEET BEAUTE », alors qu’aucun autre client n’y était entré après lui, Adji Raby SARR, communiquant au téléphone, disait sans nommer ce dernier, qu’il avait éjaculé.
Les prélèvements vaginaux effectués sur elle, dans un temps voisin de l’intimité qu’elle a eu avec Ousmane SONKO, se sont révélés, après analyse, contenir des spermatozoïdes vivants, selon le Dr. Alfousseyni GAYE. Le soi-disant complot, dont fait état Ousmane SONKO, cadre mal avec son refus de se soumettre à un test ADN alors que la loi lui permet s’il devait se douter des résultats, qui en auraient découlé, de provoquer une contre-expertise, par un spécialiste de son choix. Si Adji Raby SARR a dû se résoudre à l’idée de se faire examiner, ce jour-là, juste après le départ de Ousmane SONKO, aux fins de recueil de substances organiques dans ses parties intimes, c’est parce qu’elle savait en amont que ce dernier allait entretenir des rapports sexuels avec elle.
La recherche d’éléments pour asseoir l’existence d’une infraction est un procédé accepté en droit pénal, qui admet la liberté de la preuve. Il appartient juste au tribunal d’en apprécier la pertinence et la validité.
➢ Les raisons de la disqualification du viol en corruption de la jeunesse
La disqualification est une technique juridique et procédurale, qui consiste pour une juridiction pénale, voyant que des faits sur lesquels elle est appelée à statuer, revêtent une qualification autre que celle initialement retenue, et d’une moindre sanction, de leur donner cette juste qualification. On trouve d’ailleurs le terme à l’article 295 du Code de Procédure pénale.
La disqualification ou requalification d’une infraction, quelle qu’en soit la nature, ne signifie pas relaxe ou acquittement de la personne poursuivie, mais plutôt que la violation de la loi pénale demeure sous une qualification différente de celle pour laquelle la juridiction pénale a été saisie. En pareil cas, l’auteur ne doit en aucune façon échapper à la rigueur de la sanction pénale.
Dans l’affaire Adji Raby SARR contre Ousmane SONKO, la Chambre criminelle retient l’existence de rapports sexuels entre les deux, mais estime qu’il n’y avait ni violence, ni contrainte, ni menace, ni surprise ; ce qui écarte le viol. Toutefois, prenant en compte la répétition de ces rapports sexuels, avec une fille âgée de moins de 21 ans à l’époque des faits, dans un lieu où celle-ci était exposée quotidiennement à des activités contraires aux bonnes mœurs, la Chambre criminelle considère que l’attitude de Ousmane SONKO, consistant à fréquenter habituellement ce lieu et à bénéficier des services érotiques de la victime, se caractérisait en corruption de la jeunesse, prévue et punie par l’article 324 du Code pénal. L’infraction à caractère sexuel reprochée à Ousmane SONKO demeure intacte sous une autre qualification, et l’on ne saurait soutenir un quelconque acquittement du chef de viol, en sa faveur.
➢ L’exécution de la décision de condamnation d’un contumax
Comme toute décision de justice, celle de la chambre criminelle condamnant Ousmane SONKO par contumace devrait s’exécuter selon les modalités, ci-après :
L’extrait de la décision de condamnation est inséré dans les plus brefs délais dans l’un des journaux de la République, à la diligence du Procureur de la République le transmet ensuite au responsable dudit journal.
La publication de l’extrait du jugement est effectuée au même moment au niveau de la porte du dernier domicile ou de la mairie de la commune du contumax. L’extrait peut aussi être affiché à la porte des bureaux de son arrondissement ou de l’arrondissement du lieu du crime. Il est également adressé au représentant du service des domaines du domicile du contumax. Toutes ces formalités sont accomplies à la diligence du Procureur de la République.
L’accomplissement de ces formalités est un préalable à l’exécution de la décision. La signification de la décision de condamnation à la partie, qui n’est pas présente ou représentée à l’audience, est une mesure nécessaire pour le décompte des délais d’appel. Le contumax, qui n’est pas admis à interjeter appel (article 313 CPP), n’est pas concerné par cette formalité liée à la signification de la décision, mais plutôt par la publicité ci-dessus évoquée, ce d’autant qu’il peut être arrêté, en exécution de la décision.
L’exécution de la décision à lieu à la requête du Procureur de la République, dès qu’elle est devenue définitive. L’arrestation du condamné contumax peut intervenir aussitôt la décision disponible. Elle peut être réalisée par un soit-transmis de la décision de condamnation, qui vaut titre de détention, ou par une réquisition aux fins d’incarcération (comme en matière de contrainte par corps), adressée à la force publique.