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Chef de l’opposition sénégalaise : «Prendre le critère législatif serait une transgression de notre système politique»

Sen24.info publie in extenso la contribution du journaliste, ancien Directeur de Publication, Boubacar Demba Sadio sur la polémique née du choix du Chef de l’opposition sénégalaise.

«Le Sénégal est-il devenu un pays d’amalgame ? On serait tenté de répondre par l’affirmative. Il suffit d’entendre certaines personnes prendre position pour s’offusquer de l’ampleur de « l’inondation » de l’espace public causée par leurs arguments fallacieux. Depuis quelques temps, cet espace public est pollué par un débat saugrenu. Il s’agit bien de la désignation du chef de l’opposition sénégalaise. En réalité, tout le tintamarre fait autour de ce sujet prouve à suffisance, que parmi nos hommes politiques il y a bon nombre d’entre eux qui n’ont pas l’étoffe de tirer ce pays vers le haut.

On est train d’abuser l’opinion sur cette affaire. C’est de la pure aberration que de vouloir fonder le critère de désignation du chef de l’opposition sur la configuration des forces politiques présentes au sein du Parlement (Assemblée nationale). Prendre ce critère législatif, ce serait transgresser notre système politique. Choisir la représentation parlementaire, ce serait torpiller le jeu démocratique. Des voix qui défendent cette thèse versent dans une démagogie cousue de fil blanc. Le choix du chef de l’opposition n’obéit pas à des considérations politiciennes encore moins partisanes. Sinon, on fait fausse route.

C’est le type de régime qui constitue l’élément de définition du chef de l’opposition. De manière classique, la forme du régime politique est la première variable déterminante dans la définition du chef de l’opposition. En régime présidentiel ou semi-présidentiel, – c’est le cas d’ailleurs au Sénégal-, le chef de l’opposition ne peut être que le candidat arrivé deuxième après le tenant de la fonction exécutive : à savoir le Président de la République. Et le Sénégal ne devrait pas faire l’exception. Car ce n’est pas une fonction qui a été inventée chez nous. C’est un statut qui existe dans toutes les démocraties contemporaines.

Donc, l’idée de vouloir désigner le chef de l’opposition sur la base du scrutin législatif est absurde et déraisonnable. Au Sénégal, nous ne sommes pas dans un régime parlementaire, où le poste du chef de gouvernement est hérité à l’issue des élections législatives. C’est insensé qu’on veuille entretenir le flou. Cela dénote encore une fois que certains de nos hommes politiques ne pensent qu’à leurs petites personnes.

A partir du moment où les résultats du scrutin présidentiel ont été validés, la fonction du chef de l’opposition devrait être répartie dans l’immédiat. Parce que la règle de choix en elle-même ne prête pas à équivoque. Elle est claire comme l’eau de roche. Maintenant à moins qu’on veuille instaurer une bizarrerie bien sénégalaise.

Dans le cadre d’un régime parlementaire, l’identité du chef de l’opposition est définie selon le scrutin législatif. Et en général, c’est le leader du parti ou de la coalition minoritaire au Parlement qui incarne le statut du chef de l’opposition. C’est ce qui est de coutume en Grande-Bretagne. En Italie, c’est la même règle qui prévaut. Enfin, il y a aussi l’Allemagne dont le critère de désignation du chef de l’opposition est centré sur son mode de scrutin qui est spécifique. Les électeurs votent dans le même temps pour une liste et un candidat. N’empêche, au pays d’Angela Merkel, c’est le leader du parti dominant de la coalition minoritaire qui est désigné chef de l’opposition.

Eu regard de notre système démocratique, il n’y a pas plusieurs critères de définition ou de désignation du chef de l’opposition. La question est tranchée selon le système politique propre à chaque pays.

Le chef de l’opposition aura certes un certain nombre de droits et d’attributs spécifiques. Mais ce n’est pas cela qui doit être l’enjeu. Ce qui compte, c’est de moderniser notre démocratie en instituant le leadership de l’opposition dans un cadre institutionnel précis. C’est de permettre au président de la République de pouvoir disposer de mécanismes formels qui lui donnent l’opportunité de consulter le chef de l’opposition, en cas de crise majeure. Et non de verser dans des logiques partisanes nourries de guéguerres politiques.

(Boubacar Demba SADIO, Journaliste)

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