Sen24.info – (Dakar) Lorsqu’en août 2020, le Mali renouait avec les putschs, les États d’Afrique de l’Ouest ne croyaient pas que le phénomène allait faire tache d’huile dans la région. Après plusieurs semaines de contestation sous la direction d’un homme religieux, le M5–RFP du Mali avait poussé les militaires à renverser feu Ibrahim Boubacar Keïta.
De jeunes colonels constituent le Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) pour, disent-ils, parachever l’œuvre de la société civile. Une transition est mise en place mais moins d’une année plus tard, les militaires reviennent à la charge. En mai 2021, le colonel Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane sont destitués par le Colonel Assimi Goïta qui parle de « rectification ».
En coulisse, il se dit que les militaires n’ont pas digéré l’absence du Colonel Sadio Camara dans le deuxième gouvernement présenté par Moctar Ouane à Bah N’daw. La junte reprend les choses en main et nomme son gouvernement avec à sa tête, Choguel Maïga. Ce retour aux affaires des militaires a eu le don de donner des idées à leurs « frères d’armes » de la sous-région.
Moins de 5 mois après le deuxième coup, des bruits de bottes se font entendre en Guinée voisine.
Le 5 septembre, le Colonel Mamadi Doumbouya, jusque-là, chef du groupement des forces spéciales, mobilise ses hommes pour déloger Alpha Condé. Exercice qu’il réussit en un laps de temps mais non sans faire un carnage parmi la garde présidentielle restée fidèle au président professeur. Le colosse de Conakry affiche une volonté de revitaliser la démocratie guinéenne après l’échec des politiques.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest qui était déjà préoccupée par l’instabilité politico-sociale au Mali doit dès lors se montrer intransigeante pour faire face à ce qui ressemble fort à un début d’épidémie de putsch.
Pour éviter la propagation de ce « fléau » dans la sous-région, les chefs d’État multiplient les sessions extraordinaires, prennent des sanctions contre les autorités transitoires du Mali et de la Guinée. L’objectif est clair. Il s’agit de dissuader les éventuels imitateurs. Mais le cours des événements au Burkina Faso est en train de démontrer qu’il en faudrait plus pour décourager les militaires.
Le Burkina Faso contaminé
Parti d’une mutinerie dans plusieurs camps, comme ça a été le cas au Mali et en Guinée, les militaires ont placé la barre plus haut. Selon certaines informations relayées par des journalistes locaux, le président Roch Marc Christian Kaboré qui vient d’être réélu pour un second mandat aurait été détenu par la gendarmerie. La répétition d’un scénario déjà vu au Mali et en Guinée. Dans ces deux pays, les putschistes avaient déjà mis aux arrêts les présidents IBK et Alpha Condé avant d’ « officialiser » la prise du pouvoir. Au Mali, aucune image de l’ancien président en détention n’a été diffusée.
Par contre en Guinée, Alpha Condé a été presque humilié. Montré dans une pièce avec des membres des forces spéciales, il est presque affalé sur un fauteuil, le torse presque nu. Après avoir acté son arrestation, les militaires ont enregistré leur profession de foi avant d’ « uploader » la vidéo qui s’est retrouvée sur les réseaux sociaux. Certains ont parlé de coup d’État 2.0. Sommes-nous en train d’assister à la reproduction de la même situation au Burkina Faso ? Les prochaines heures, voire les prochaines minutes seront déterminantes.
Le lieutenant-colonel Damiba, nouvel homme fort du Burkina ?
Pour le moment, on ne sait pas encore grand-chose du cerveau de cette opération dont la fin peut se traduire par une prise du pouvoir sans effusion de sang. Mais un nom est de plus en plus agité. Il s’agit du Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba. Auteur d’un ouvrage sur le terrorisme intitulé « Armées ouest-africaines et terrorisme : réponses incertaines ? », publié en juin 2021, il a été nommé le 3 décembre dernier Commandant de la Troisième région militaire, cet officier supérieur faisait partie des hommes sur qui, le président Kaboré a voulu compter pour rendre au Burkina Faso sa dignité après le revers de novembre dernier à Inata.
À l’occasion d’un assaut officieusement revendiqué par le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, une cinquantaine de gendarmes burkinabé ont été tués. Cette attaque terroriste a révélé le traitement presque inhumain des militaires de rang par la hiérarchie face à des groupes terroristes très bien organisés et bien équipés. La coupe semble pleine. Les burkinabè manifestent leur colère à travers des marches. En réponse, le président du Faso prend une série de décisions, remplace des officiers. Mais visiblement, c’est trop tard. La Cedeao a encore du pain sur la planche en attendant le prochain coup d’État…