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Propagation du virus et incivisme : L’amer fruit de la Stigmatisation

Sen24.info – (Dakar) Ce qui est inquiétant, avec certains médias c’est qu’ils se complaisent dans le futile, le frivole et le superficiel. Ils n’ont cure de s’enquérir de la saisie de l’évènement. Et c’est parce que d’abord ils se contentent, comme au cinéma, du début ou de la fin, tandis que l’évènement même bref, même instantané, se prolonge. Ensuite, ils veulent du spectaculaire, alors que l’évènement est indissociable de temps morts et le temps mort est dans l’évènement.

L’instant d’une pandémie, si féroce et brutale se confond avec l’immensité du temps vide où on le voit arriver. En vérité, le retour triomphal de la stigmatisation chez nous, en plein propagation du virus, traduit à souhait cette aporie. Depuis quelque temps l’implosion de la stigmatisation sous toutes ses formes occupe l’actualité de la crise. Et pourtant la stigmatisation s’était invitée dés les premières heures de la pandémie au Sénégal. Elle fut couvée et propagée par les décideurs politiques et les médias, ceux-là mêmes qui devaient la contenir. L’incompétence des premiers n’a d’égale que la presbytie des seconds. Et dans un hôpital, si les médecins préposés aux soins sont malades qui s’occupera des patients ? Cette question du vénéré Serigne Sam, assignée alors aux faux dévots, retrouve ici toute sa pertinence.
Jusque-là nous avions cru que la liste des tares mises à nu par le virus était déjà exhaustive ! Cette conclusion hâtive n’est que méconnaissance totale des maux dont souffre « le patient Sénégal ».A bien y regarder la débandade autour de la distribution des vivres a exhumé entièrement l’échec d’un demi-siècle de gouvernance qui ne s’est jamais vraiment attelée à éradiquer la faim. Corona a révélé, au grand jour,que le seuil de la pauvreté a battu le record des statistiques fantasmagoriques jusque là élaborés pour maintenir vivace l’espoir du bas peuple. Que dire du plateau médical sénégalais ?

Il est en lambeaux, depuis mathusalem. Probablement les « Pit-bulls », outre atlantiques, sont médicalement mieux traités que nous autres humains ouest africains. Jamais aucun gouvernement ne s’en est indigné, tout comme l’absence de toilettes dans des centaines d’écoles a toujours été de l’ordre du normal chez nous. Et comble de déchéance, pour la première fois que les véhicules de transport en commun ont été astreints à se contenter du nombre de places assises, c’est la grogne des chauffeurs. Une grogne qui enseigne que nos concitoyens n’ont jamais voyagé dans la décence. Être parqués comme des boites à sardines avec des risques de contamination de toutes sortes : c’était ça la norme ! Mais retenons seulement ici que la dangereuse perméabilité de nos frontières, les plus poreuses de toute la sous région, s’était manifestée, la première, avec son cortège de cas importés du virus. A défaut de la fermeture des aéroports, une mise en quarantaine systématique de tout passager s’imposait et elle n’a pas été faite. A la place il s’en est plutôt suivi une stigmatisation individuelle et plus tard collective. Pourtant, il était connu que la première caractéristique du virus a été perçue dans sa nature démocratique en ce qu’il ne distingue point l’icône de l’inconnu, le nanti du démuni, le maître de l’esclave : la stigmatisation a été donc exclue par la nature même du virus.

Malgré cela, elle a été présente tantôt sous la couleur ethnique à l’allure d’une prolongation politique post-electorale, tantôt sous l’étoffe d’un règlement de compte confrèro-centrique. Le constat est qu’une bonne frange de la communauté visée, tétanisée par cette stigmatisation subite et radicale relayée, à cœur joie, par une certaine presse, a vite fait de reléguer la maladie dans l’ordre de l’imaginaire. En vérité, le plus stupide des Sénégalais a été en mesure de saisir qu’il y’a eu trop de zèle dans cette campagne de dénigrement sur fonds d’insanités et de calomnies de toutes sortes à l’endroit d’une communauté jusque – là érigée en modèle de discipline, virtuose du progrès et de l’ordre. Hélas la volte-face n’a point tardé à se faire : Le récit officiel de la pandémie est contesté ! Dans un contexte particulier d’incertitudes où la science, bouclier par excellence de l’humain, s’est confondue en balbutiements, la religion s’est hâtée à reconquérir son blason d’or enseveli depuis par les décombres de la rationalité triomphante. La raison, pris de court par un virus inédit « doté d’âme », l’intuition mystique a repris-le dessus et la foi mise à contribution. Par imprudence, le profane a cru voir dans la foi le meilleur rempart contre la stigmatisation et la solution d’une crise aux élans à la fois sensibles et intelligibles. Oui ! Le fanatisme a bien été de la partie. Sauf que, pour cette fois, ce fanatisme n’est ni synonyme d’obscurantisme encore moins d’ignorance de la perfidie du coronavirus.

C’est un « fanatisme volontaire ou instrumental », magnifié à dessein comme une réponse à la stigmatisation de trop. Ce serait perdre du temps que de s’attarder à des analyses scientifico-sociologiques sur la ou les causes de la propagation de la pandémie. Sans faire mention de l’indiscipline remarquable qui nous caractérise, il nous faut admettre aussi que la violation des franchises régionales par certains transporteurs, l’évasion de patients confinés des centres d’accueil et, entre autres, la désobéissance civile remarquable dont les jeunes gens ont fait preuve dans les rues en pleine couvre-feu trouvent leur source dans cette stigmatisation et les récentes échauffourées aux portes des cimetières l’illustrent à suffisance. La plus grande entorse dans la gestion de cette crise a été commise lorsque, pour des raisons encore insondables, d’aucuns ont voulu entretenir la psychose collective en érigeant le principe d’individuation sur les cendres du lien social.

A quelle fin ? La durée de la pandémie cacherait-il sous ses dehors apocalyptiques des intérêts inavoués ? Un ange passe et bat des ailes. Enfin l’actualité quotidienne vient de porter à notre connaissance que la stigmatisation vient de jeter son dévolu sur les soldats du savoir mal convoyés et traqués comme des rats d’égouts dans leur localité de service. Mais autant de brimades ne nous empêcheront pas de porter la plainte et la fureur au point où elles se retournent contre ce qui arrive, pour dresser l’évènement, le dégager, l’extraire dans le concept vivant pour être dignes de l’évènement, la philosophie n’a pas d’autre but !
El Bachir Thiam

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