vendredi , septembre 20 2024
Home / Uncategorized / Chapitre III : Enjeux, finalités et perspectives philosophiques

Chapitre III : Enjeux, finalités et perspectives philosophiques

Introduction
La comparaison entre la philosophie et la science aboutit souvent au rejet de la philosophie perçue comme une discipline inutile, une réflexion vide et une spéculation qui n’aboutit à rien. Cette image qu’on a souvent de la philosophie est fausse, et la preuve nous sera donnée lorsque nous répondrons à la question « pourquoi philosopher? ». Pour terminer, nous verrons si la philosophie est utile ou inutile dans un monde qui subit de plus en plus l’impérialisme de la science ?
I-Pourquoi philosopher ?
On peut philosopher pour avoir l’esprit critique, rechercher la vérité, atteindre le bonheur, pour bien se conduire, bien vivre etc. Avoir l’esprit critique, c’est avoir la capacité de tout soumettre à une analyse rigoureuse avant de croire à quoi que ce soit. La critique est la fonction principale de la philosophie comme le dit Vladimir Jankélévitch : « la fonction de la philosophie c’est de critiquer, son destin c’est d’être critiquée ». La critique fait donc partie de la philosophie, elle n’épargne aucune forme de connaissance, que ça soit la religion, la philosophie, les croyances et traditions sociales etc. Tout doit être soumis à une analyse critique, c’est pourquoi Marcien Towa affirme que « toute pensée aussi vénérable soit-elle ne peut être admise sans être passée au crible de la pensée critique ». D’autre part, pour accéder à la vérité, l’esprit doit se débarrasser des préjugés. Le préjugé est une vérité établie sans analyse, et il revient à la philosophie de nous débarrasser des préjugés qui nous empêchent d’accéder à la vérité.
La philosophie a également pour fonction d’éclairer notre vie. D’ailleurs, Descartes lui assigne la mission d’éclairer et de réguler la vie. Il écrit : « C’est proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir que de vivre sans philosopher (…) ». Il ajoute que la philosophie « est plus nécessaire pour régler nos mœurs et nous conduire en cette vie, que n’est l’usage de nos yeux pour guider nos pas ». Préface aux principes de la philosophie. Descartes dégage ici l’importance de la philosophie, car elle permet à l’homme d’avoir une bonne conduite et une vie bien réglée.
Enfin, à la question « pourquoi philosopher », on peut dire que c’est pour rendre l’homme sage. A ce propos, Socrate affirmait que « la philosophie ne consiste pas tant dans la connaissance d’une multitude de choses qu’à rendre l’homme tempérant (vertueux) », et il ajoute : « La philosophie ne vaut que lorsqu’elle est vécue ». Aux yeux de Socrate, la philosophie est un art de vivre. En d’autres termes, la philosophie ne se dit pas simplement, elle se vit aussi. C’est ce que les stoïciens et les épicuriens ont enseigné. Pour eux, il faut vivre la philosophie pour atteindre le bonheur ou l’ataraxie. Epicure le dit clairement : « Celui qui prétendrait que l’heure de philosopher n’est pas encore venue ou qu’elle est déjà passée, ressemblerait à celui qui dirait que l’heure n’est pas encore arrivée d’être heureux ou qu’elle est déjà passée ». Leibniz s’inscrit dans cette même lancée en s’interrogeant ainsi : « A quoi sert-il de philosopher, si la philosophie ne me permet pas d’être heureux ? ».
Mais il y a lieu de se demander pourquoi l’homme en général et le philosophe en particulier recherchent le bonheur. Deux raisons peuvent être avancées pour répondre à cette question. La première, c’est qu’il existe chez tout homme une aspiration à la paix profonde de l’âme et du corps. La deuxième raison tient du fait que le monde dans lequel nous vivons pose problème. C’est surtout quand il y a un manque profond, un déchirement ou un désespoir que l’homme sent et exprime le besoin d’autre chose. En effet, c’est lorsque les repères sont perdus ou que le trouble s’installe chez l’individu ou dans la société que naît véritablement le besoin de philosopher pour rechercher le bonheur.
III-La philosophie aujourd’hui
Il s’agit de se demander si la philosophie joue encore un rôle ou si elle a toujours sa place dans la société. Inévitablement, il se pose la question de son utilité pratique, car l’incertitude de ses résultats l’empêche de prétendre à une science exacte. L’absence de progrès dans le domaine de la philosophie nous amène à nous interroger sur l’utilité de cette discipline. La philosophie semble, par ailleurs, inutile si l’on sait que les domaines qui lui étaient traditionnellement réservés sont désormais investis par diverses sciences telles que la linguistique, la sociologie et la psychologie. Malgré cela, la philosophie demeure présente. C’est pourquoi, en dépit du reproche qui lui est fait de ne pas aboutir à des résultats concrets lorsqu’on la compare avec la science, la philosophie demeure actuelle. En effet, le développement des sciences engage la philosophie dans une réflexion sur les méthodes, la portée et les finalités de l’activité scientifique. Nous avons alors affaire à la philosophie des sciences ou épistémologie. La philosophie réfléchit sur les enjeux de la science, car le savant n’est pas toujours le mieux placé pour percevoir toutes les implications de ses découvertes ou de ses recherches. La tâche de la philosophie est donc importante parce que réfléchissant sur les conséquences des découvertes scientifiques.
Les changements ou les bouleversements que la science produit dans la société et dans l’humanité invite l’homme à s’adapter vite, à trouver ses repères mais aussi à se prémunir contre les dangers qui peuvent menacer la vie ou simplement l’environnement. Les questions éthiques se posent à l’homme parce qu’elles s’imposent. Doit-on laisser la science sans contrôle ni surveillance ? Doit-on la laisser mener des recherches dont les résultats peuvent menacer l’existence de l’humanité ? Doit-on, au nom de la liberté, permettre à l’homme de modifier l’ordre de la création (manipulations génétiques) ? Ce sont là quelques questions qui interpellent le philosophe et qui fondent la réflexion épistémologique et éthique. Voilà pourquoi beaucoup de philosophes ont réfléchi sur les dangers de la science.
Réfléchissant sur les dangers liés à la science, Edgar Morin et Paul Langevin considèrent que la science doit être enchaînée comme ce fut le cas autrefois de Prométhée pour avoir donné le feu aux hommes. En analysant les faits et méfaits de la techno-science, Roger Garaudy a soutenu que les sciences et les techniques nous ont certes permis de lutter contre des maladies comme la peste et le paludisme et de sauver des millions de personnes. Mais en même temps, les sciences et les techniques ont permis la destruction de plusieurs milliers de personnes comme ce fut le cas en 1939 à Hiroshima avec la bombe atomique ? Luc Ferry, quant à lui, a axé sa réflexion sur l’idée de progrès scientifique. Il avoue que la science fait incontestablement des progrès comme dans l’automobile, l’aviation, la télévision, la médecine moderne, la téléphonie, la conquête de l’espace etc. Mais il se demande si ce progrès est positif pour l’humanité. Le progrès a-t-il rendu l’homme heureux ? A-t-il élevé le niveau moral de l’homme ? s’interroge-t-il. La réponse est donnée par Rousseau qui parle de décadence morale. C’est à dire que les découvertes scientifiques ont permis à l’homme de faire des choses immorales comme l’avortement, les OGM, l’euthanasie, la contraception, l’hyménorraphie etc.
Conclusion
La philosophie est une discipline qui s’expose à des critiques venant de toutes parts. Ses adversaires n’aperçoivent pas ou refusent d’apercevoir son utilité. Mais au regard des fonctions qui lui sont attribuées, force est de reconnaitre, non seulement son utilité, mais aussi et surtout sa nécessité. C’est pour cette raison que Descartes mesure le degré de civilisation d’une société par ses philosophes. Pour lui, une nation est d’autant plus civilisée qu’il y a des hommes qui y philosophent et que « celui qui vit sans philosopher ressemble à celui qui vit sans jamais tâcher d’ouvrir les yeux».

Partager:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *