Sen24.info – (Dakar) Dans cette interview via mail accord\u00e9e \u00e0 L’Observateur, le ministre de la Culture et de la Communication r\u00e9pond aux multiples questions soulev\u00e9es par la pol\u00e9mique n\u00e9e de la distribution de l’aide \u00e0 la presse qui est pass\u00e9e, cette ann\u00e9e, de 700 millions \u00e0 1,4 milliard de FCfa. Le maire de S\u00e9dhiou \u00e9voque \u00e9galement les difficult\u00e9s li\u00e9es \u00e0 la pand\u00e9mie du Covid-19 constat\u00e9es dans le monde de la Culture.
\nM. le Ministre, l’aide \u00e0 la presse a encore \u00e9t\u00e9 source d’une profonde discorde entre patrons de presse. Vous avez \u00e9t\u00e9 m\u00eame accus\u00e9 de favoritisme pour certains m\u00e9dias. Comment avez-vous v\u00e9cu tout cela ?
\nPermettez-moi tout d’abord de saluer les efforts soutenus de l’ensemble des m\u00e9dias s\u00e9n\u00e9galais dans la lutte contre la pand\u00e9mie de la COVID-19 depuis que la maladie s’est d\u00e9clar\u00e9e dans notre pays. Pour accompagner cet engagement, le Pr\u00e9sident de la R\u00e9publique a non seulement doubl\u00e9 l’enveloppe de l’aide annuelle de l’\u00c9tat \u00e0 la presse qui est pass\u00e9e de sept cent millions (700 000 000) f Cfa \u00e0 un milliard quatre cent millions (1 400 000 000) f Cfa, mais, il a aussi donn\u00e9 des instructions pour sa r\u00e9partition rapide. Je voudrais saisir cette occasion pour transmettre au Pr\u00e9sident de la R\u00e9publique les remerciements des acteurs.
\nPour revenir \u00e0 votre question, effectivement, une organisation de la presse a fait des sorties pour demander l’application stricte des dispositions de la loi 96-04 du 22 f\u00e9vrier 1996 relatives \u00e0 l’aide \u00e0 la presse. Cette loi ne prend pas en compte, de fa\u00e7on sp\u00e9cifique, les radios communautaires et la presse en ligne qui sont aujourd’hui des acteurs incontournables dans le paysage m\u00e9diatique s\u00e9n\u00e9galais \u00e0 c\u00f4t\u00e9 de la presse traditionnelle. D’ailleurs, ce texte n’est plus en vigueur puisqu’\u00e9tant abrog\u00e9 et remplac\u00e9 par la loi 2017-27 du 13 juillet 2017 portant Code de la presse dont les projets de textes d’application sont finalis\u00e9s.
\nD’ailleurs, le v\u00e9ritable d\u00e9fi dans la lutte contre la pand\u00e9mie de la covid-19 actuellement, c’est d’apporter une r\u00e9ponse efficace \u00e0 la prolif\u00e9ration des cas communautaires. Et c’est justement une des missions essentielles que remplissent les radios communautaires, du fait de leur proximit\u00e9 avec les populations.
\nJe rappelle que l’ambition de l’\u00c9tat du S\u00e9n\u00e9gal, c’est d’assainir le secteur de la presse dans son ensemble \u00e0 travers l’instauration de la carte nationale de presse et de le renforcer en mettant en place le Fonds d’appui et de d\u00e9veloppement. Ce dernier va remplacer l’aide \u00e0 la presse.
\nSur quelle base s’est fait le dispatching de l’aide \u00e0 la presse ?
\nAvant m\u00eame de r\u00e9pondre \u00e0 votre question, je voudrais faire quelques pr\u00e9cisions. Est-ce qu’un organe qui a \u00e9t\u00e9 attributaire l’ann\u00e9e derni\u00e8re a \u00e9t\u00e9 exclue cette ann\u00e9e ? Ma r\u00e9ponse est non. Est-ce qu’un organe qui a \u00e9t\u00e9 attributaire l’ann\u00e9e derni\u00e8re a re\u00e7u un montant inf\u00e9rieur cette ann\u00e9e ? Ma r\u00e9ponse est \u00e9galement non. Par ailleurs, une quarantaine d’organes de presse qui n’\u00e9taient pas \u00e9ligibles en 2019 l’ont \u00e9t\u00e9 cette ann\u00e9e, ce qui justifie l’augmentation du nombre de b\u00e9n\u00e9ficiaires.
\nPour en venir \u00e0 votre question, apr\u00e8s avoir constat\u00e9 la d\u00e9su\u00e9tude de la loi de 1996 et sur la base des r\u00e9partitions effectu\u00e9es durant les trois derni\u00e8res ann\u00e9es, nous avons proc\u00e9d\u00e9 \u00e0 une r\u00e9partition en fonction du nombre et de la diversit\u00e9 des supports, des ressources humaines, etc.
\nEn dehors des entit\u00e9s publiques notamment l’APS, Le Soleil et le CESTI, les b\u00e9n\u00e9ficiaires sont au nombre de 392, class\u00e9s ainsi qu’il suit : Les grands groupes m\u00e9diatiques avec plusieurs supports (07), les autres groupes avec au moins deux supports (07), la presse \u00e9crite quotidienne (15), les p\u00e9riodiques (43), la presse \u00e9crite r\u00e9gionale (06), les radios priv\u00e9es commerciales (15) hors groupes, les radios communautaires (143), la presse en ligne (156).
\nDes patrons de presse ont, \u00e0 travers des communiqu\u00e9s, soutenu qu’ils avaient retourn\u00e9 leur part de l’aide. Qu’en est -t-il exactement ?
\nJe vous affirme que les ch\u00e8ques sont retir\u00e9s \u00e0 l’exception d’un seul grand groupe. Le dit groupe est pass\u00e9 de 15 000 000 f Cfa l’ann\u00e9e derni\u00e8re \u00e0 30 000 000 f Cfa cette ann\u00e9e, soit du simple au double.
\nPeut-on savoir quel groupe de presse a re\u00e7u la plus grosse part et quel autre a touch\u00e9 la plus petite ?
\nEn dehors de l’Aps, au regard du service rendu aux acteurs priv\u00e9s, et du CESTI pour l’accompagnement dans la formation, la r\u00e9partition a \u00e9t\u00e9 faite en fonction de l’importance des structures (nombre et diversit\u00e9 des supports, ressources humaines, etc.). Les radios communautaires, consid\u00e9r\u00e9es comme des entit\u00e9s sociales et non \u00e9conomiques, recevaient les montants parmi les plus faibles. Consid\u00e9rant le doublement de l’aide \u00e0 la presse du fait de la pand\u00e9mie covid-19, et au regard du r\u00f4le essentiel de ces radios communautaires en mati\u00e8re de r\u00e9ponses communautaires attendues, nous avons jug\u00e9 n\u00e9cessaire d’augmenter consid\u00e9rablement la part qui leur est allou\u00e9e.
\nPour l’\u00e9tablissement de la liste des b\u00e9n\u00e9ficiaires, nous avons \u00e9chang\u00e9 avec les organisations associatives de presse, notamment le CDEPS (Conseil des Diffuseurs et Editeurs de la Presse du S\u00e9n\u00e9gal), le SYNPICS (Syndicat des Professionnels de l’Information et de la Communication du S\u00e9n\u00e9gal), l’APPEL (Association des Professionnels et Editeurs de la presse en ligne), l’ANPELS (l’Association nationale de la presse en ligne du S\u00e9n\u00e9gal) et l’URAC (l’Union des Radios associatives et communautaires). Certaines parmi elles ont m\u00eame envoy\u00e9 des lettres de f\u00e9licitations et de remerciements.
\nEst-ce vrai que des sites d’information presque inconnus des S\u00e9n\u00e9galais ont b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 de l’aide \u00e0 la presse ?
\nMa r\u00e9ponse est non. Maintenant, je peux vous conc\u00e9der que certains sites sont moins connus que d’autres, ce qui est, du reste, normal au regard de la multiplicit\u00e9 et de la diversit\u00e9 des sites d’information.
\nD’ailleurs, cette question sera r\u00e9gl\u00e9e de mani\u00e8re globale dans le cadre des r\u00e9formes en cours. Celles-ci pr\u00e9voient un meilleur encadrement des r\u00e8gles en mati\u00e8re de cr\u00e9ation d’entreprises de presse, de mesure d’audience, de sondage, de p\u00e9n\u00e9tration des supports \u00e0 travers le territoire national. Ce qui reste constant, c’est qu’\u00e0 l’image des groupes audiovisuels, il existe \u00e9galement des majors dans le domaine de la presse en ligne.
\nLe S\u00e9n\u00e9gal compte plus de deux cents cinquante sites d’information en ligne. Pour faire le choix des sites attributaires, nous travaillons avec les deux associations de presse en ligne, l’association des professionnels et \u00e9diteurs de presse en ligne (APPEL) et l’Association nationale de la presse en ligne (ANPELS). D’autres qui ne sont pas membres de ces associations ont fait des demandes qui ont \u00e9t\u00e9 examin\u00e9es. Ceux qui ont \u00e9t\u00e9 retenus l’ont \u00e9t\u00e9 sur la base de la qualit\u00e9 de leurs contenus et de la r\u00e9gularit\u00e9.
\nMame Gor Diazaka est cit\u00e9 parmi les b\u00e9n\u00e9ficiaires de l’aide \u00e0 la presse. Qu’en est-il ?
\nL’aide \u00e0 la presse n’est pas attribu\u00e9e \u00e0 une personne, mais plut\u00f4t \u00e0 un organe ou \u00e0 une entreprise de presse. Je ne saurais vous lister les actionnaires des diff\u00e9rentes structures. Ce qui est constant c’est que les attributions sont faites sur la base des raisons qui ont \u00e9t\u00e9 \u00e9voqu\u00e9es plus haut.
\nLe journaliste Ibou FALL a annonc\u00e9 une plainte contre le ministre suite \u00e0 la r\u00e9partition de l’Aide \u00e0 la presse. Comment appr\u00e9ciez-vous sa d\u00e9marche ?
\nMonsieur Ibou FALL est l’un des rares journalistes s\u00e9n\u00e9galais \u00e0 explorer le genre informationnel satirique. Quand il a rencontr\u00e9 les services de la direction de la communication, il leur a fait comprendre que son organe n’est pas \u00e9ligible \u00e0 l’Aide \u00e0 la presse du fait que la parution a \u00e9t\u00e9 suspendue depuis plus d’un an. Par contre il a demand\u00e9 \u00e0 rencontrer le ministre pour \u00e9changer sur la tenue d’un forum sur l’\u00e9conomie des m\u00e9dias et la propri\u00e9t\u00e9 intellectuelle. Ce que nous avons fortement appr\u00e9ci\u00e9 tout en lui demandant le moment opportun.
\nMonsieur le Ministre, o\u00f9 en \u00eates-vous avec la commission de la carte nationale de presse ?
\nContrairement aux autres textes d’application du Code de la presse qui n\u00e9cessitent des d\u00e9crets, la Commission de la carte nationale de presse est mise en place par arr\u00eat\u00e9 minist\u00e9riel du 11 novembre 2019 avec huit membres titulaires et leurs suppl\u00e9ants.
\nParmi les membres titulaires, les quatre (4) sont des journalistes et des techniciens des m\u00e9dias nomm\u00e9s sur la base des propositions faites par les associations de presse, notamment, le CORED, le SYNPICS, l’APPEL, et le CDEPS.
\nLes quatre (4) autres viennent des institutions, notamment les minist\u00e8res charg\u00e9s respectivement de la Justice, du Travail et de la Communication et l’organe de r\u00e9gulation (CNRA).
\nLa Commission a \u00e9lu \u00e0 sa t\u00eate, le 15 janvier dernier, deux journalistes, en l’occurrence, Monsieur Daouda MINE du Groupe Futurs M\u00e9dias et Monsieur Bacary Domingo MANE, ancien Pr\u00e9sident du CORED, respectivement pr\u00e9sident et vice-pr\u00e9sident.
\n\u00c0 ce jour, toutes les dispositions r\u00e9glementaires, techniques et financi\u00e8res n\u00e9cessaires ont \u00e9t\u00e9 prises pour permettre \u00e0 la Commission, qui est autonome, d’accomplir sa mission.
\nAu-del\u00e0, de l’impact de la pand\u00e9mie de la covid-19 qui n’\u00e9pargne aucun secteur, le secteur des m\u00e9dias est dans un tournant d\u00e9cisif marqu\u00e9 par des mutations juridiques et r\u00e9glementaires (textes d’applications du code de la presse) et technologiques avec l’av\u00e8nement du num\u00e9rique. C’est pourquoi j’appelle \u00e0 la mobilisation de tous les acteurs pour asseoir ensemble, de mani\u00e8re durable, un espace m\u00e9diatique pluriel, diversifi\u00e9 et assaini avec des acteurs \u00e9conomiquement viables.
\nVous avez fait l’objet d’attaques crypto-personnelles de la part d’artistes comme Penda Guiss\u00e9 qui se demandent comment un maire de S\u00e9dhiou peut-il devenir ministre de la culture. Avez-vous \u00e9t\u00e9 choqu\u00e9 par une telle d\u00e9claration ?
\nJ’ai \u00e9t\u00e9 naturellement choqu\u00e9 comme tous les s\u00e9n\u00e9galais, pas par les attaques personnelles \u00e0 mon encontre mais plut\u00f4t par la gravit\u00e9 des propos qui sapent les fondements de notre nation. Notre diversit\u00e9 ethnolinguistique et culturelle constitue le ciment de notre coh\u00e9sion nationale renvoyant \u00e0 l’ext\u00e9rieur une image tr\u00e8s positive et une notori\u00e9t\u00e9 de notre pays. C’est un devoir pour tous les s\u00e9n\u00e9galais de veiller jalousement sur cet acquis et de le pr\u00e9server afin de pouvoir le transmettre aux g\u00e9n\u00e9rations futures.
\nVous avez fait le tour des domiciles des grosses pointures de la musique s\u00e9n\u00e9galaise pour s’enqu\u00e9rir de leur situation en ces temps de pand\u00e9mie. Qu’est-ce que, \u00e0 travers votre d\u00e9partement, l’\u00c9tat compte faire concr\u00e8tement pour les artistes ?
\nCes visites sont \u00e0 placer dans le cadre d’une vaste concertation que j’ai initi\u00e9e et qui n’a \u00e9pargn\u00e9 aucune personnalit\u00e9 ni aucun des diff\u00e9rents sous-secteurs de mon d\u00e9partement. J’ai certes commenc\u00e9 avec les personnalit\u00e9s remarquables des sous-secteurs mais ces concertations se sont poursuivies avec les diff\u00e9rentes organisations et associations professionnelles du secteur (musiciens, artistes peintres, danseurs, conteurs, \u00e9crivains, \u00e9diteurs, stylistes mod\u00e9listes, cin\u00e9astes…) toujours dans le but d’\u00e9changer sur les questions de l’heure.
\nCes rencontres ont aussi permis, selon les sp\u00e9cificit\u00e9s des diff\u00e9rents sous-secteurs d’anticiper sur les contours d’un modus operandi pour une gestion efficiente et transparente des secours d’urgence attendus.
\nL’accompagnement des artistes et des op\u00e9rateurs culturels dans l’imm\u00e9diat se fera \u00e0 travers des appuis. Cette aide sp\u00e9ciale n’est pas une mesure de compensation, il s’agit d’un soutien sp\u00e9cial pour faire face \u00e0 des situations d’urgence \u00e0 court terme.
\nAvez-vous estim\u00e9 l’impact r\u00e9el, c’est-\u00e0-dire les pertes engendr\u00e9es, de la pand\u00e9mie sur le monde de la culture ?
\nLa vie culturelle aura \u00e9t\u00e9 pratiquement mise \u00e0 l’arr\u00eat durant cette p\u00e9riode. \u00c0 l’heure actuelle, tenant compte des orientations du Pr\u00e9sident de la R\u00e9publique, qui invite les s\u00e9n\u00e9galais \u00e0 vivre d\u00e9sormais en pr\u00e9sence du virus, nous sommes en train d’\u00e9tudier les modalit\u00e9s de relance du secteur les plus pertinentes.
\nLes artistes et tous les travailleurs de la culture subissent de plein fouet les effets de la crise. Ils sont extr\u00eamement inquiets, \u00e0 juste titre. Plusieurs initiatives ont \u00e9t\u00e9 lanc\u00e9es pour attirer l’attention sur les difficult\u00e9s propres \u00e0 ce secteur, et d\u00e9j\u00e0, comme annonc\u00e9 plus haut, certains responsables d’organisations en relation avec mon d\u00e9partement ont commenc\u00e9 \u00e0 apporter des pistes aux questions les plus urgentes. A cet \u00e9gard, la perspective d’un d\u00e9bat de fond sur la sortie de crise est capitale.
\nConcernant l’impact r\u00e9el de la pand\u00e9mie sur le monde de la Culture, les enqu\u00eates men\u00e9es par les acteurs priv\u00e9s et institutionnels des diff\u00e9rents sous-secteurs du spectacle vivant, des arts vivants hors musique (th\u00e9\u00e2tre, mode et stylisme, festivals, etc.), du cin\u00e9ma et de l’audiovisuel, des arts plastiques, du patrimoine culturel, du livre et de la lecture ont permis de relever des pertes immenses consign\u00e9es dans le m\u00e9morandum soumis \u00e0 l’autorit\u00e9 pour arbitrage.
\n\u00c0 l’\u00e9vidence, ce point de situation est loin d’\u00eatre exhaustif, ces chiffres ne tiennent pas compte des prestations et tourn\u00e9es internationales : (concerts, expositions, d\u00e9fil\u00e9s de modes, participation \u00e0 des festivals …), notamment certains spectacles au S\u00e9n\u00e9gal qui n’ont pas fait l’objet d’une d\u00e9claration aupr\u00e8s de la SODAV.
\nJe voudrais toutefois pr\u00e9ciser qu’au regard de l’ampleur de la t\u00e2che, ce n’est pas en travaillant chacun dans son coin, ou pire, en nous rejetant les responsabilit\u00e9s les uns sur les autres que nous progresserons, c’est en r\u00e9unissant nos \u00e9nergies, nos forces, nos cr\u00e9ativit\u00e9s, que nous parviendrons \u00e0 sortir de la crise et \u00e0 op\u00e9rer les changements qui suivront immanquablement.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"
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